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« La question n’est pas d’être philosophiquement pour ou contre l’école inclusive »

Alors que la profession enseignante, confrontée aux conditions ubuesques dans lesquelles a été lancée la politique scolaire inclusive, rencontre des difficultés croissantes, Claire Hédon, la Défenseure des droits, a affirmé dans un rapport sur la question rendu en 2022 que « c’est à l’école de s’adapter [à l’enfant handicapé]… et ce que l’on voit, c’est qu’on demande à l’enfant de s’adapter à l’école ». Et de citer l’exemple d’un enseignant qui aurait reformulé une consigne incomprise à un élève pour constater avec bonheur que « toute la classe en profitait ».
Autre exemple, Martine Caraglio, inspectrice générale de l’éducation nationale, a retracé dans une tribune au Monde en 2023 l’histoire des rapports entre l’institution scolaire « ordinaire » et l’éducation spécialisée. Ce texte illustre un certain brouillage dans la compréhension des enjeux de l’école inclusive, qui permettrait de « conjuguer traitement particulier et appartenance commune à la cité et plus largement à l’humanité ». Et qui pourrait en effet s’opposer à des principes aussi nobles ?
Pour autant, cette manière de poser le problème, brièvement résumée, appelle plusieurs remarques.
Tout d’abord, comme l’a montré le sociologue Hugo Dupont (Déségrégation et accompagnement total, Presses universitaires de Grenoble, 2021), les fermetures d’établissements spécialisés dans la prise en charge d’enfants handicapés au nom d’orientations internationales de « déségrégation » sont désormais réinscrites dans des politiques publiques gestionnaires. Il s’agit aujourd’hui d’appliquer coûte que coûte une politique basée sur des critères de performance et de la valider par des chiffres, quelles que soient les difficultés rencontrées dans la réalité.
Or, les parents d’enfants concernés n’y gagnent pas le choix de scolariser leur enfant à l’école ordinaire ou en établissement spécialisé : ils se voient contraints d’accepter des dispositifs et des modalités de scolarisation, quand bien même ils seraient insatisfaisants, voire non souhaitables. Et que se passe-t-il quand cela se passe mal ? L’institution scolaire contraint les familles à déscolariser leur enfant, et donc une partie des mères à quitter leur emploi.
L’écart entre les grands idéaux d’inclusion et leurs conditions institutionnelles d’actualisation a pour elles un coût exorbitant, et conduit à des situations sordides : des mères empêchées de travailler, des enfants déscolarisés. Comme l’observe Paul Devin, président de l’Institut de recherches de la Fédération syndicale unitaire (FSU) et inspecteur de l’éducation nationale : « Le paradoxe fondamental est que l’exigence croissante des discours qui veulent fonder l’inclusion sur un principe absolu ne s’assortit généralement pas d’une exigence analogue dans la définition des moyens qui en permettraient la mise en œuvre. » (« Vouloir raisonner l’inclusion scolaire des élèves handicapés », Carnets rouges, 11 janvier 2019).
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